Ce n’était pas Santorin…

Chaque semaine, un auteur nous raconte son Livre sur les quais.

Du blanc, du bleu, du soleil, de l’eau : non, ce n’était pas Santorin ou Paros, mais Morges, premier week-end de septembre, première édition du Livre sur les quais, il y a déjà quelques années ; une parenthèse enchantée, l’été qui s’étire, un certain flottement palpable dans l’air.

Un chapiteau qui englobe le quai, qui s’approprie ses fleurs et ses piliers de fonte, ouvert sur le lac qui clapote et brille à quelques mètres de là.

Des tables bien sûr avec des livres étalés, et la légère fébrilité et griserie qui accompagnent les premières fois.

C’était magique : cette harmonie naturelle, spontanée, entre les lecteurs, les auteurs… Bien loin du côté trop convenu des grandes messes littéraires, ou parfois trop amateur de quelques tréteaux posés à la sauvette sur une place estivale.

Mieux qu’ailleurs, les gens qui se promènent entre les ouvrages s’arrêtent à l’évocation d’un titre, une photo de couverture, ou simplement pour le plaisir d’échanger des propos sur l’amour de l’écriture ou la douceur du moment présent. Même le sourire de ceux qui viennent d’un pas décidé, les horaires des dédicaces sous le bras, ceux avec lesquels on avait rendez-vous sans le savoir, semble plus éclatant.

Des mines réjouies partout: des discussions impromptues qui s’engagent entre visiteurs prenant pour témoin un auteur, ou plusieurs.

Ici, il n’y a pas de choix à faire, on ne se dit pas : dimanche, s’il ne fait pas beau, j’irai voir les livres… il fait beau et on va voir les livres et aussi profiter du soleil, de l’eau. Toute la ville se met à l’heure des mots : les terrasses, les jardins, les restaurants, le Casino, même les bateaux deviennent littéraires.

À Morges, les lecteurs passent et repassent, tous les jours parfois: comme cet élégant vêtu de blanc qui revint le lendemain avec sa femme, et son carnet, pour me parler de mes personnages dans « De vous à moi » avec lesquels il avait passé une partie de la nuit.

J’y suis revenue aussi sur ces quais, heureuse d’être invitée de nouveau l’année suivante.

Toujours la même alchimie réussie, même lorsque le lac vira au gris anthracite: mémorable traversée mouvementée pour rejoindre Lausanne et le Beau Rivage, joyeuse course désordonnée des écrivains entre les flaques et les gouttes de pluie digne d’un film de Claude Sautet, coupes de champagne et fous rires avec Simon Toyne, qui venait présenter le premier tome de sa trilogie propulsée quelques mois après au premier rang des bestsellers du Sunday Times.

Il y eut aussi le plaisir de croiser le fameux regard bleu de Jean d’Ormesson le temps qu’il dédicace mon exemplaire écorné de « Voyez comme on danse ».

Et celui de reconnaître des visages, de retrouver des lecteurs, des amis de plume. De recevoir du monsieur en blanc, venu acheter mon nouveau roman, une feuille de ginkgo en référence au poème de Goethe.

Il fait si bon vivre avec les livres le temps de ce week-end toujours trop court.

Et peu importe la couleur du ciel, c’est seulement le jour d’après que l’automne commence vraiment…

Régine Zambaldi