La métamorphose de nos mots
Chaque semaine, un auteur nous raconte son Livre sur les quais.
J’oublie toujours de prendre un stylo, ce n’est pourtant pas compliqué d’y penser, on vient pour dédicacer, comment espérer que des gens s’arrêtent et demandent une signature quand on y met autant de mauvaise volonté!? Respirer. On arrive.
On trouvera bien un stylo sponsorisé, un ami auteur qui en a pris deux, un bénévole bien intentionné. Le lac est là, la tente toujours aussi accueillante, les écrivains que l’on aime à chaque fois plus nombreux. Les enfants sont babysittés, on pourra trainer un peu ce soir, revoir tout le monde ou presque, disserter sur les lubies de nos éditeurs, se conseiller des livres et des auteurs, raconter cette dame qui est passée à mon stand tout à l’heure, elle est restée près d’une heure, a concédé un « ils ont l’air bien vos livres, racontez-moi celui-là », j’ai raconté, proposé une dédicace, « ah non, j’ai dit que ça avait l’air bien mais pas à ce point ». Ou cette autre, revenue les larmes aux yeux, avec le livre acheté l’année d’avant, une de mes phrases qu’elle avait faite sienne, « tellement juste, vraie, que c’est dur, un chagrin d’amour, merci pour vos mots qui relèvent ». Merci à vous, que c’est bon d’avoir des lecteurs. De les voir arriver, curieux ou fidèles. On était seul à son bureau, on avait l’impression que tout cela n’existait que pour nous et puis non, finalement, ces phrases lancées à nos ordinateurs voyagent, passent d’un lecteur à un autre, ils n’en pensent jamais tout à fait la même chose, le livre que l’on a écrit devient le livre qu’ils ont lu, et on a la chance d’assister à la métamorphose de nos mots.
Mais d’abord, il faut écrire, publier avant « Le livre sur les quais », pour y être invité cette année encore. Ou vivre le blues de celui qui passe son tour.
Mélanie Chappuis
(Photo © Claude Dussez)