Michel Layaz, Louis Soutter, probablement

Au départ. Ne rien connaître de Louis Soutter, si ce n’est, probablement, son nom. Ne rien savoir de son œuvre sauf peut-être un souvenir: des personnages épais, noirs, entraperçus dans un livre d’art comme enfant.
Et au tomber dans l’histoire, engloutir une vie, deviner, imaginer, compléter, y croire. Reconnaître une époque. Etre touchée. Comme une barque souhaiter par moment offrir son bras à Louis.
Dans la rue le lendemain, arrêter son regard sur les quelques petits vieux voûtés, marchant seul, chapeau en crâne, en main, regards sur les pavés ou sur les toits. Se demander.
Se rappeler surtout un 28 juillet 2015, pas loin des pyramides de Vidy, proche de minuit. Michel soudain de confier ce qu’il a sur le feu. «Vous connaissez Louis Soutter?». Certains de répondre non, d’autres oui, d’autres un peu. Et il raconte – comme il le fait si bien, en digressant, hésitant, flot de pensées en parallèle, curieux, passionné, les paumes avec – ce livre à naître. Ses doutes (devrait-il ordonner chronologiquement les événements ?). Ses recherches. Sa prochaine visite à Ballaigues. Et souvent de répéter avec effroi : pendant dix-neuf ans dans un asile, oublié de tous.
Dans Louis Soutter, probablement, Michel Laya rend avec brio – sur un déroulé d’années – tant l’émotion que la matière, les couleurs, les instants d’immobilité ou de terreur. Et au contact de sa plume, de son Louis, et comme la peinture de l’artiste, on se délie de la page avec un regard un peu voilé sur les choses, un regard un peu différent.

Cyrielle Cordt-Moller, Librairie L’étage