Quitter la tribu

Chaque mercredi, un auteur nous dévoile son univers

Parmi les livres qui m’ont donné l’envie d’écrire, il y a les Vies minuscules (1984) de Pierre Michon mais aussi ceux d’Annie Ernaux, de Thomas Bernhard, de Jean-Marc Lovay et tant d’autres.

Dans ces sillages, Séismes (2013) et Haut Val des loups (2015) voudraient être des récits intimes et impersonnels à la fois, emplis de violence sourde, celle que l’on subit en route vers l’âge d’homme. Mais aussi, éclatant d’un rire libérateur. Je voudrais en peu de mots dire tout un monde qu’un ethnologue mettrait mille pages à expliquer.

Peut-on sans danger être le scribe de sa tribu d’origine ? C’est périlleux: on est trop impliqué, ou trop hors jeu.

Et je n’aurais jamais pu écrire ces livres si je n’étais pas parti, si je n’avais pas quitté ma tribu première. Si je n’avais pas rompu, en quelque sorte, le silence que s’imposent ceux qui y vivent quant à la domination masculine, aux disparités économiques, au clanisme familial, aux normes sexuelles.

Comme Pierre Michon (ou comme Annie Ernaux, Thomas Bernhard, Lovay et tant d’autres) je voudrais écrire pour l’élucidation, et peut-être pour la profanation du sacré indigène, dans un geste profondément politique.

Jérôme Meizoz