Une ruche à fleur de pente
Le livre sur les quais, c’est une petite semaine par année à Morges au bord du lac et, le reste du temps, ça se mijote à fleur de pente entre Gollion et la gare de Cossonay, à quelques pas de la Protection Civile, pour celles – et surtout ceux – qui connaissent.
Vu que j’ai un bon quart d’heure d’avance, Laura me fait visiter les locaux. Qui aurait pu croire que cette vieille ferme abrite une – superbe et moderne et lumineuse – bibliothèque d’archéologie et des bureaux jusque sous le toit? Voilà la ruche tout en recoins et soupentes boisées où se croisent les gens des Éditions Infolio, l’équipe d’Archeodunum et celle du Livre sur les quais. Sylvie est justement en train de descendre les escaliers avec le bon à tirer pour le flyer de notre deuxième Petit-déjeuner de l’année avec Franz-Olivier Giesbert.
– Tu pourrais juste regarder si ça va comme ça?
– Je sais pas si je suis dans la meilleure position pour...
– Ah, tu sais, au Livre sur les quais, on découvre tout plein de positions!
Laura se penche en arrière, en avant, de côté et s’amuse à chercher tous les angles possibles sous lesquels voir ce petit bout de texte à relire en équilibre entre deux marches.
À peine le texte validé, Sylvie a déjà disparu. Laura m’accompagne jusque dans les combles où elle me présente un nième archéologue qui me fait un sourire derrière son téléphone et c’est déjà l’heure de notre réunion.
– Tu peux y aller, j’arrive tout de suite. Oui oui, chez Sylvie.
Je sors du corps de ferme, j’entre dans celui d’en face et je pose mes affaires à côté de la grande table ovale de la salle à manger.
Toujours personne: est-ce que je suis bien au bon endroit? En sortant prendre l’air pour me donner un minimum de contenance, je me rends compte que j’ai fait de belles traces de boue sur le tapis beige: ça c’est de l’entrée en matière! J’essuie ce que je peux avec un mouchoir en papier et je jette un regard morose aux vaches dans leurs box à côté des bureaux.
– Il faut quand même que je te dise: j’ai fait des grosses taches de boue sur ton beau tapis...
Sylvie, qui vient de prendre les grands moyens et d’éteindre son iPhone pour que notre réunion ait des chances de commencer, me fait un sourire en me montrant la cour sous la pluie battante.
– Quand on travaille dans un endroit comme ça, tu sais, c’est difficile de pas laisser des traces sur le tapis.